Ne pas se préparer, c'est se préparer à échouer

Cette année, j’ai repris des études en formation continue : le Master 2 Supply Chain Internationale de l’Université Paris-Dauphine.

Après chaque semaine de cours, je vous partage mes réflexions.

MASTER 2 SUPPLY CHAIN INTERNATIONALE - SEMAINE QUATRE

“Vous êtes en Master 2. On attend de vous que vous compreniez les différents points de vue et que vous appreniez à naviguer en développant une véritable culture du compromis”. 

Voilà, c’est dit ! En plus de la tonne de nouvelles connaissances à ingérer, je dois prendre du recul sur les cours théoriques. Douter, questionner, établir des ponts entre les différents sujets, méthodes et paradigmes. Il est temps de se retrousser les manches. L’époque s’y prête.  

VUCA ou VICA en français pour Volatilité, Incertitude, Complexité et Ambiguïté. Rien de neuf vous diront les responsables Supply Chain qui ont toujours dû composer avec la réalité complexe du monde et les objectifs contradictoires des différentes parties prenantes.

La relative stabilité du commerce mondial avait permis de concentrer les efforts sur l’optimisation des coûts. Mais la recherche permanente de la solution optimale a augmenté la complexité et la fragilité globale des systèmes.

Pour schématiser, on constate deux grandes tendances. Une fuite en avant technologique pour bétonner les systèmes complexes existants à coup d'algorithmes et d’automatisation massive. Et une remise en question prudente mais systématique des postulats qui ont conduit à la situation actuelle. 

Plus que jamais, les organisations ont besoin de réflexion, de temps long, pour s’extraire de l'immédiateté.

Réflexion 1 : Pilotage de projet - La boîte à baffes

Deuxième journée de cours de Management de Projet. Bien sûr, nous avons parlé de la planification et des indicateurs de suivi mais nous avons surtout échangé sur la difficulté de piloter un projet entre les attentes contradictoires des parties prenantes : demandeurs, utilisateurs et équipe technique. une vraie "boîte à baffes” pour le chef de projet !

La réussite d’un projet se joue souvent pendant la phase de cadrage. l’identification et la description de la problématique conditionne la solution qui sera retenue. C’est à cette étape que le chef de projet doit avoir la légitimité de poser la question qui fâche, le fameux “Et alors ?”. 

Que se passe-t-il concrètement si on ne répond pas à la demande. Que se passe-t-il au contraire si on y répond. L’évaluation précise des risques est indispensable avant de prendre la décision de lancer un projet.

En se basant sur les faits, les outils d’aide à la décision apportent des éléments clés pour décider de manière éclairée. Mais une fois encore, le chef de projet aura besoin d’un périmètre clairement défini et de contraintes identifiées pour mener son analyse. C’est l’objet de la phase de cadrage d’un projet.

Réflexion 2 : Le vertige de l'hyper puissance de calcul

Définition de l’objectif, du périmètre, des contraintes et des variables. Ce sont les quatre piliers pour réussir un projet d’étude.

Pendant cette deuxième journée consacrée au Schéma Directeur Logistique, j’ai découvert l’exercice de “la page blanche”. On enlève les contraintes, par exemple sur les capacités des entrepôts et on regarde ce qu’il se passe. 

D’après notre professeur, c’est un exercice très prisé des directions Supply Chain. Par exemple, dans le cas d’un besoin de capacité supplémentaire, cette technique de modélisation va permettre d’identifier l’entrepôt qui devrait voir sa capacité de stockage augmenter.

Récemment, j'ai lu un article sur VentureBeat.com consacré à la société SparkBeyond et à son nouveau produit, Discovery. L’objectif de cette société est d’automatiser le travail des data scientist. Là où un data scientist est capable de tester une dizaine d’hypothèses par jour, leur solution peut générer des millions d’hypothèses par minute.

En exemple, il cite  le cas d’un détaillant qui voulait savoir où ouvrir 5000 nouveaux magasins. Partant des données des points de vente existants les plus rentables, ils ont corrélé ces données avec des données météo, des cartes et autres données externes.

Ensuite, grâce à la puissance de calcul de leur produit, SparkBeyond a pu tester toute une série d’hypothèses. Au final, c'est la proximité des laveries automatiques qui a été la plus fortement corrélée à la rentabilité.

Comme une sensation de vertige ! Lorsque la puissance de calcul nous permet de tout tester sans contraintes, la tentation est grande de ne plus prendre le temps de choisir les hypothèses. Et faute de réflexion en amont, lorsque l'algorithme propose une liste de scénario ordonnés, comment ne pas suivre aveuglément ses recommandations ?

Réflexion 3 : du besoin d’agilité à l’ivresse du temps réel

Tesla a officiellement lancé son produit d'assurance. Il est basé sur le "comportement de conduite en temps réel" du conducteur. Le produit n'est disponible qu'au Texas pour le moment. Quand on connaît la complexité des critères de calcul des polices d’assurance classique, c’est une vraie révolution.

Chaque mois, Tesla calcule votre police d’assurances en se basant sur un indicateur : le Safety Score. Son calcul est basé sur cinq paramètres : avertissements de collision frontale, freinage brusque, virage agressif, distance de suivi dangereuse, désactivation forcée de l'Autopilot.

Quel est le rapport avec la Supply Chain ? Prenons, par exemple, la politique de sourcing d’une entreprise. D’un côté, les entreprises commencent à utiliser des algorithmes pour classer, hiérarchiser leurs fournisseurs. De l’autre, une multitude de capteurs envahit les quais de réception, les magasins et les entrepôts.

Est-ce que demain nous franchirons “le dernier kilomètre" en reliant ces solutions d’IA aux capteurs IoT (Internet of Things) permettant ainsi une prise de décision automatique sans intervention humaine ?

Vers une économie sans marché ?

Dans son livre “la fin de l’individu”, Gaspard Koenig pose la question : “si l’on disposait d’une information complète, la question de l’allocation optimale des ressources deviendrait purement logique et non économique. L’omniscience devient ainsi la seule justification possible du planisme. N’est-ce pas précisément l’ambition de l’IA ?”

La mise en place entre les entreprises de système de contrôle en temps réel par souci d’efficacité conduit inexorablement à une nouvelle forme de planification totale.En ces temps d’incertitude, la résilience, l’agilité et surtout l’adaptabilité des organisations sont des valeurs clés pour penser le futur. 

La Supply Chain connaît bien cette réalité. Elle la vit au quotidien. Demain, elle aura un rôle central à jouer pour permettre aux organisations de mettre la recherche de la solution optimale sous la contrainte des valeurs de la société.