Supply Chain : des rires et des larmes

La situation est désespérée, gardons espoir

Des baigneurs regardent un incendie de forêt près d'une plage de Saint-Tropez, le 25 juillet 2017 (Valery Hache / AFP )

Revue de presse Semaine 38

Le sujet du dérèglement climatique est devenu en l’espace de quelques mois le sujet “main stream” par excellence. Jusqu’à la Une du Point de cette semaine qui titrait “Climat : le scénario de l’accélération”. 

La prise de conscience est réelle. On ne peut que s’en réjouir devant l’urgence de la situation. Avec une telle sensibilisation, le moment n'a jamais été aussi propice pour agir.

Pourtant, lorsque nous prenons conscience de ce qui est en train d’arriver, que nous déroulons la pelote pour comprendre le pourquoi et le comment nous avons pu en arriver là, un sentiment de malaise presque physique nous envahit.

Comprendre ce qui nous arrive

Dans ces moments, nous avons besoin de partager nos inquiétudes et nos doutes avec d’autres; “une âme sœur, quelqu'un d'aussi calmement effrayé que [nous] par la direction que nous prenons”. C’est pourquoi il faut ABSOLUMENT lire l’article de Marlowe Hood, “Regarder le monde brûler”. 

L’analyse de Marlowe Hood est sans concession. “Il n'y a pas de bonnes nouvelles, du moins pas du côté de la nature ou de la science…Ce n'est pas mon travail - ni celui d'aucun journaliste - de fabriquer de l'espoir.  Le faire serait non seulement manipulateur, mais aussi intellectuellement malhonnête.”

Il y a au moins une bonne nouvelle : le journalisme existe encore.

L’histoire ne se répète jamais, dit-on. Pourtant, l’étude du passé est souvent riche d’enseignements.

Dans un article du Monde, Pierre-Cyrille Hautcoeur, économiste, compare quatre réactions aux transformations climatiques globales des années 1250-1350, en Egypte, en Chine, au Cambodge et en Europe. Il montre à quel point les sociétés riches et complexes sont les plus fragiles. 

La lecture de cet article permet de dépasser l’alternative simpliste entre technologies miracles et décroissance brutale.

Guetter les signaux faibles

"Du lundi au vendredi, désespoir ; l'espoir, c'est pour le week-end”, écrit Marlowe Hood. 

Alors, pour garder espoir, j’ai trouvé quelques signaux faibles. Les choses bougent, lentement. La notion de sobriété gagne du terrain. Deux exemples :

Augustin de Romanet, gestionnaire des Aéroports de Paris, dans le Monde : “Pour les pays qui ont déjà profité de la croissance très forte du trafic aérien, les pays “privilégiés” comme le nôtre, il n’est pas déraisonnable d’accepter une certaine modération”.

Paul Polman, ancien patron d'Unilever, dans Capital : “"Faire moins mal qu’avant ne suffit plus. Il faut changer de système, et plus seulement optimiser un système qui ne fonctionne plus".

Le futur est et restera imprévisible. Notre but n'est donc pas de deviner ou de calculer l'avenir mais d'imaginer le monde dans lequel nous aimerions vivre, ou le monde que nous voulons éviter. 

L’université se rebiffe

L’idée que nous ne sommes pas la solution mais le problème, comme le dit Aurélien Barrau, n’est plus tabou. À la question “que se passera-t-il demain ?”, nous devons trouver des réponses à une autre question : “Quel avenir aimerions-nous avoir ? “. 

Dans notre vie personnelle bien sûr, en tant que citoyen, dans nos entreprises bien sûr, mais le plus important c’est certainement de le faire dans notre éducation.

Et sur ce dernier front, les initiatives se multiplient à l’image des étudiants de l’École polytechnique, d’AgroParisTech ou de l’École d’architecture de Versailles.

Sur le site Le Club de Mediapart, Laurent Lievens, Docteur en Sciences politiques et sociales, explique pourquoi il a démissionné de la Faculté des sciences de gestion de l’UCLouvain, la Louvain School of Management (LSM) et lance un appel urgent à l’action.

Sur celui de Novethic, le collectif Pour un Réveil Écologique a identifié des futurs "jobs échoués", dont l'utilité va disparaître dans quelques années. Le mouvement étudiant veut aiguiller les choix professionnels des jeunes diplômés pour ne pas se tromper de carrière.

Je viens de terminer ma deuxième année de Master Supply Chain Internationale à l’Université de Paris Dauphine-PSL. Ce qui est vrai pour l’ensemble des étudiants l’est peut-être encore plus pour les futurs responsables Supply Chain. Nous serons demain en première ligne de la nécessaire transformation de nos entreprises. 

Un master comme le nôtre devrait avoir comme premier objectif de préparer les futurs responsables Supply Chain à ce qui sera leur seule et unique mission dans les prochaines années : repenser nos Supply Chains pour les rendre compatibles avec les contraintes physiques et la dynamique des systèmes complexes.

La succession des crises est la nouvelle normalité

Je me souviens qu'en novembre dernier, lors d’une conférence organisée par l’Université Paris Dauphine sur l’Après-Covid, les trois intervenants parlaient encore d’aléa et tablaient sur un retour rapide à la normale. Un an plus tard, de plus en plus d’acteurs, y compris dans la Finance, commencent à remettre en question le modèle sur lequel est bâti l’ensemble de notre économie.

Sur le blog du Gartner, Wade McDaniel dans son article “There is No New Normal”, ne dit pas autre chose : “face à l'incertitude, nous devons mettre en place une résilience durable qui tienne compte des scénarios les plus probables, même si nous ne les comprenons pas entièrement. Cela peut conduire à des résultats sous-optimaux, mais c'est peut-être ce que nous pouvons faire de mieux en l'absence de normalité.”

Réinventer les supply chains ne pourra se faire sans l’appui d’équipes responsabilisées, autonomes et flexibles seules à même de garantir la résilience et l’innovation attendue. Nous avons besoin de questionner aujourd’hui l’organisation de nos entreprises. 

Digitalisation et Empowerment seraient les remèdes miracles à cette situation anxiogène. Pour comprendre ce qui se cache derrière ces mots et leur mise en œuvre dans nos entreprises, j’ai trouvé deux points de vue intéressants.

Dans son article “Voici pourquoi la majeure partie des transformations numériques échouent”, Hamilton Mann, Directeur groupe, marketing digital et transformation digitale chez Thales, nous rappelle que mener une transformation numérique n’est pas aisé et qu’elle ne peut se réaliser qu’en changeant de référentiel de pensée.

Dans leur article “Les rôles, piliers de la gouvernance adaptative”, les auteurs proposent une approche pragmatique. Ils défendent la mise en place d’une nouvelle gouvernance pour réduire le plus possible l'écart entre l'organisation officielle et l'organisation réelle et assurer ainsi la fluidité de la chaîne de valeur.

Transparence des données, autonomie de prise de décision et un état d’esprit ouvert à la résolution de problèmes complexes en situation d’incertitude. C’est à ces conditions que nous pourrons commencer à apporter des réponses soutenables aux défis qui se présentent à nous.

Alors, soyons lucides mais essayons de garder espoir car il va falloir s’accrocher !

Marlowe Hood cite dans son article, la climatologue Katharine Hayhoe : "Il y a un million de mains sur le rocher, et si je devais retirer la mienne un petit moment, ce n'est pas grave - quelqu'un d'autre est là." 

Bonne lecture et à la semaine prochaine !